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Barack Obama trop froid et linéaire face à Mitt Romney selon la "spin doctor" Ghyslaine Pierrat

Publié le 4 Octobre 2012 par DMT in Au fil de l'actu

Après les Tweets de Ghyslaine Pierrat, en direct, au creux de la nuit, regards d’une « Spin doctor à la française » sur le débat de DENVER entre les 2 candidats à la Présidentielle américaine

 

 

Votre opinion quant à cette campagne américaine?

La campagne américaine 2012 est différente par sa gravité politico- économique-sociale et de ce fait a eu de nombreux accents rooseveltiens. Les enjeux sont clairs : emplois et économie, la sécurité des Américains après les traumatismes aussi cruels qu’injustes qu’ils ont subi. Les valeurs morales aussi attendues que réclamées dans ce contexte de crise économique mondiale. Fidèle à la tradition, les débats politiques américains existent depuis septembre 1960), ce 1er débat a donné  la place aux différences d'idées entre les deux candidats.

 

Ce débat est il important finalement ?

Comme je l’ai écrit dans mon ouvrage « La communication n’est pas un jeu », le débat pour la Présidentielle ne peut pas faire gagner une élection mais il peut à tous les coups lui la faire perdre. Sur le fond, ce 1 er débat a été davantage centré sur l économie, les impôts, la fiscalité, la santé et la gouvernance contemporaine. Sur la forme, le décorum du débat de Denver a renforcé l’institutionnel et c’était une perfection technique qu’il faut saluer, éclairages sophistiqués, sons parfaits, couleurs calculées, franchement très bien. Sur la forme encore, tout d’abord ce débat est le 1er des 3 débats, avant celui du 16 octobre à Hempstead (Etat de New York), et celui du 22 octobre à Boca Raton en Floride. Le manque d’interaction de la part de Barack Obama, alors que Romney était tourné vers lui, a diminué la dynamique d’Obama. Le fait de les voir, debout, à un pupitre, sans être face à face et assis comme en France, donnait parfois une impression de duplex différé, aux réponses un peu trop longues. Dans le public, les familles et amis étaient invités. Les journalistes de la presse écrite ont finalement été quelques uns à avoir été admis avec les invités, une négociation a eu lieu. Et leur présence était naturelle. Ce débat a été très important, il sera très commenté par l’effet de surprise qu’il a dégagé. Il peut se traduire dans les sondages. Il va bouster Romney et ses équipes. A la fin de ce débat, permettez-moi de vous signaler l’originalité du terme du débat. Les embrassades avec les familles ont été surprenantes pour nous Français et les accolades, avec grand sourire, entre les 2 candidats, aussi. C’est la tradition américaine mais tout de même, ce moment a été très curieusement fusionnel.

 

Que pensez-vous de la publicité politique quotidienne ?

A propos de la publicité politique et des différents pugilats qu’elle engendre, naturellement je regrette cette avalanche de spots à tonalité négative, que Bill Clinton qualifiât : « de donner l’envie de prendre une douche après les avoir vu ». Ils sont permanents et quotidiens, parfois mensongers. Ils ne font pas honneur à la démocratie.

 

L’élection de 2012 est-elle différente cette année par sa violence dans les spots ?

Je crois que c’est une constance et que c’est déplorable. Cela indispose « l’opinion publique mondiale », qui est née sous l’effet de la mondialisation.

 

Selon vous, comment est apparu Barack Obama ?

Avocat de formation, Barack Obama est apparu cérébral, concentré et moins combatif que prévu. Transformé par les 4 années qu’il vient de passé, 4 années où il a fallu batailler au Congrès, avec une opposition constante et férue d’obstruction, notamment pour la réforme du système de santé. Certes, cette réforme est timide, mais elle existe et c’est un bon début. Sur la « Obamacare », il faut aller plus loin et plus vite. C’est du registre de l’exigence du progrès de l’humanité pas celui de la légendaire liberté américaine. 4 années où nous avons vécu une crise mondiale et plurielle, 4 années où la « guerre économique » se conjuguait d’une « guerre de la finance », notamment en 2008. La décision devant l’affolement des marchés de créer un stimulus package de 780 milliards de dollars n’était pas facile à prendre. La recherche de solutions pour éviter l’effondrement de l’industrie automobile, non plus. Ce fut une réussite d’Obama. 4 années où en chef d’Etat, des décisions ont été prises en politique étrangère avec la neutralisation de Ben Laden, l’arrêt de la guerre avec l’Irak. Le Barack Obama 2008 n’a pas été le Barack Obama 2012 ! De peur d’apparaître méprisant et arrogant, il a été trop froid, linéaire dans le phrasé. Il n’a pas été assez accrocheur et combatif. Il n’a pas évoqué suffisamment Bill Clinton dont la notoriété est forte aux Etats Unis. Il n’a pas « attaqué » a minima sans pour cela être agressif. Il n’a pas cité la bourde de Romney des 47 % « d’assistés » qu’il déplorait en réunion politique. Pourquoi ? Il n’a pas su mettre suffisamment l’accent sur son bilan qui est positif sur beaucoup de points, ni su faire vivre son slogan "forward", "en avant", moteur de son action concrète.

 

Et Mitt Romney?

Mitt ROMNEY est le challenger républicain qui évidemment appelle au changement. Il est soutenu par une importante communauté et de gros soutiens financiers. Il est pénalisé par deux facteurs : le premier, sa revendication religieuse comme atout d’autorité morale. Sa religion mormone est sur toutes les lèvres électorales et elle n’est pas une garantie de compétences pour le job de Président. Sa culture, ancienne depuis 5 générations, est-elle celle qui a façonné sont identité ? On peut le penser. Prisonnier de celle-ci, Mitt Romney peut difficilement apparaître « indépendant » de toutes pressions. Et, surtout, il semble appartenir à un autre univers. De ce fait, sa vision politique semble très liée à sa religion et ses fondements. Il apparaît comme moins synchronisé à l’époque, moins opérationnel en temps réels. Mais cette nuit et je l’ai souligné par mes Tweets, en direct du débat, Mitt Romney a été plus performant, il est sorti des points d’interrogations et d’une myriade de doutes sur ces convictions. Il a essayé d être offensif pendant le débat. Il avait ce sourire bienveillant à la bouche qui le rendait sympathique. Il interpellait avec finesse Obama. Son corps tournait vers Obama lui donnait un plus de franchise, il le regardait très souvent en face. Il était pas agressif mais il était ferme sur les propos et lui répétait qu’il avait eu 4 ans et que ce n’était pas, selon lui, une réussite. Il a dominé le débat.

 

Qui a semblé le plus à l'aise ?

A ce niveau d’exercice, ils sont à l’aise tous les deux, très entraînés par leurs Spin doctors… Ce sont des tribuns en Convention et des intervenants rompus aux techniques de la communication audiovisuelle et vrais débatteurs. Romney a été très à l’aise pour répondre à votre question, très détendu, souriant, offensif et montrant qu’il avait lui aussi une stature de chef d’Etat. Obama a été moins à l’aise et ce, durant tout le débat. (Pour infos, Karl Rove et Matt Rhoades, son directeur de campagne pour Mitt Romney sont les Spin de Romney. Mais il y avait aussi le Spin Eric Fehrnstron, qui a multiplié les interviews à tous les journalistes à la fin du débat, répétant inlassablement que Romney avait été meilleur et ses messages, sous les panneaux rouges des Républicains. Pour Barack Obama, Valerie Jarrett, David Axelrod et Stéphanie Cutter, etc… Les Spin d’Obama semblaient moins présents.)

 

Selon votre décryptage du langage du corps qui a pris l'ascendant sur l'autre ?

Les attitudes comportementales sont toujours très révélatrices des sentiments profonds aux questions, et des efforts pour ne pas être pris en flagrant délit d’incompétences ou de mensonge. Les yeux au ciel relève la gêne de l’un, les pincements de lèvres, l’auto censure de l’autre. Soit l’un opte pour laisser répondre l’homme soit il opte pour laisser répondre la fonction. Le premier cas va créer un lien avec la salle, grimaces drôles faisant de l’humour, tête penchée, sourires… Il use de l’indulgence et de la complicité avec la salle, comme l’a fait Romney. Le second va laisser parler l’institutionnel, la fonction, laissant un corps assez raide et droit, comme l’a fait Obama. Il exprime le souhait d’apparaître celui qui est le plus rationnel et opérationnel sachant se contrôler. La gestuelle « bras ouverts » et haussement d’épaules de Romney a laissé apparaître de l’impuissance mais sans agressivité et plutôt exprimé de la compassion pour Obama, ce qui a déstabilisé ce dernier. Barack Obama a l’expérience de Président et n’a pas semblé, en non verbal, non plus, avoir l’ascendant. Son charisme et sa présence physique n’ont pas crevé l’écran. Il a opté pour une stratégie non verbale, comportementale, gestuelle et morpho psycho plus ancienne, à l’identique des années 60, regardant droit devant la caméra, ou l’animateur-journaliste. Il est resté sur le même registre toute la soirée, ce qui l’a fait apparaître, en retrait et pas suffisamment offensif, ardent et guerrier dans l’âme, comme si c’était la 1ère fois. Ce sont des erreurs de communication politique. Dans une situation plus empruntée, en difficulté dans les sondages récents, Mitt Romney est apparu légèrement très à l’aise dans son expression non verbale. Selon les enseignements de l’école de Palo Alto en Californie que j’apprécie, on remarque une gestuelle de Mitt Romney d’habitude sous contrôle, son visage et sa mâchoire qui ont souvent laissé apparaître une colère intérieure, étaient totalement métamorphosés ! Il n’y avait plus ses inclinaisons de tête dévoilaient une gêne ou une volonté de dissimuler certains aspects de son parcours de vie. Il est apparu, en non verbal, très sympathique et bienveillant avec cette expression de léger sourire permanent. Il se voulait accessible et parlait comme avec des amis, décontracté, surprenant chacun. Il a visiblement opté pour une stratégie « soft » et pugnace qui a marché.

 

Quelle est votre analyse globale de ce débat?

Ce débat a été très intéressant et de le vivre en direct, grâce à la chaîne d’infos « Itv », était pour moi , Spin Doctor à la française », un vrai plus. Bravo à cette chaîne c’était une performance. Et la journaliste sur place Laurence Haïm a été très étonnante, compétente, et a réussi la prouesse d’interviewer en direct le Spin de Romney. Ce n’était pas facile. Chapeau. Ce débat a été un peu trop technique pour impacter dans l’imaginaire collectif. Ce qui ressort de ce débat c’est surtout la prouesse de Romney, sa bravoure joviale à vouloir interpeller Obama. Ce qui résulte de ce premier débat, c’est la mise en retrait d’Obama et son ton linéaire permanent.

 

Si vous aviez un conseil à donner à chacun de ces candidats en matière de communication quel serait-il ?

On ne vote pas pour un bilan mais pour le futur. S’il est important d’informer, de rappeler les essentiels, il est nécessaire d’être le Président d’aujourd’hui et de demain. En ma qualité de « Spin doctor à la française, je conseille à Barack Obama d’évoluer sur sa stratégie de communication politique. Il doit être le Barack Obama, le Président de tous les espoirs. Il doit doit s’appliquer à créer du lien social et à démontrer, avec pédagogie, qu’il a encore mieux compris son pays et les Américains et leur anxiété sociale. S’il a favorisé 4 millions d’emplois, il ne faut pas oublier que 3 millions d’Américains ont perdu leur maison. Nous tous en France, nous n’avons pas oublié ces images traumatisantes de ces Américains avec leur lit et frigo sur la pelouse de leur ancienne maison. Il serait préférable qu’il abandonne ses habitudes oratoires axées sur les prompteurs et qu’il se dégage de ces automates. Il peut se « lâcher » pour aller vers les instants uniques de communion avec les publics, avec le peuple américain. Enrichi de l’expérience présidentielle, il sait aujourd’hui tout le potentiel de la fonction présidentielle. Barack Obama doit davantage être l’homme d’actions audacieuses d’aujourd’hui et maintenant, même s’il convient de laisser son empreinte dans l’Histoire. De même si l’élection ne se fait pas sur la politique étrangère, il doit être ferme sur un Iran nucléarisé, sur sa relation avec l’Europe au lieu de s’en excuser. Le prochain débat sera sur la politique étrangère. Il doit faire la différence. Mitt Romney va être galvanisé par sa réussite oratoire et va savourer cet événement. Il sera encore plus redoutable au prochain débat. Il doit éviter les dissimulations et mensonges relevés dans les médias américains, repris en France par tous les quotidiens. Mitt Romney a une image patriarcale autour d’une famille nombreuse qui a été mise en scène et incontestablement, son épouse est plus qu’un « atout charme » du candidat. Intelligente, perspicace, elle aide considérablement à humaniser le candidat… S’il est libre d’avoir une préférence religieuse je ne crois pas que sa revendication religieuse soit un atout et une garantie pour être élu. Mitt Romney doit préparer le prochain débat sur la politique étrangère, avec précision et montrer qu’il a une vraie vision de politique étrangère. En France, nous attendons naturellement, un propos sur notre pays, qu’il connaît bien puisqu’il a été « en mission mormone » pendant deux ans… Il reste 32 jours de campagne. Rien n’est jamais gagné. Rien n’est jamais perdu. "Forward", "en avant"…

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